Déclaration solennelle
La laïcité est la clé de voûte de l’édifice républicain en France. La laïcité est à la fois le glaive et le bouclier, l’arme du libre penseur et le rempart du citoyen contre les dogmes religieux, la garantie de la préservation, de la sûreté de la conscience libre, libérée des aliénations qui sont filles des croyances et des superstitions. La République laïque est la garantie de la République sociale. Affirmer que la liberté des uns commence là où s’arrête celle des autres pourrait être une banalité, une évidence confondante. Cela l’est- il réellement ? L’exprimer en les termes suivants resitue plus explicitement ce qu’engage la liberté individuelle dans une société, lorsque l’on est une Nation : la liberté est un lien social ! Par ailleurs, si nous sommes convaincus que la liberté est un droit inaliénable, un droit naturel de l’Homme, un principe qui fonde notre Nation, nous savons aussi qu’elle est une conquête qui a été arrachée de haute lutte, au prix du sang.
Combattre pour un principe, le plus noble soit-il, combattre pour un principe juste, engage inéluctablement à combattre contre ce qui lui est opposé, combattre ce qui est infâme. Cette liberté dont nous jouissons, l’égalité que nous chérissons, la fraternité qui nous unit, la laïcité qui parachève les éléments de la devise de Desmoulins et Robespierre, sont la quintessence de l’impertinence française, tout à la fois apparente légèreté du ton et gravité profonde du message, cette impertinence qu’incarnait si merveilleusement Molière ! L’impertinence n’est jamais gratuite, le trait de plume acéré comme le coup de taille d’un sabre jamais fortuit. Cette impertinence a été – et doit demeurer – la racine et le combustible de la lutte acharnée contre le fanatisme. Avant-hier, cet intégrisme et ce fanatisme étaient catholiques, aujourd’hui ils sont islamiques. Nous n’avons pas l’intention de détourner le regard sous-prétexte qu’un bien mal nommé « politiquement correct », résolument délétère, intime l’ordre de le faire. Nous crions avec Voltaire « Écrasons l’infâme ». Relativement à la liberté de culte, garantie et définie par la loi, nous rappelons qu’elle s’exerce dans les lieux de culte et la sphère privée, qu’elle ne peut être ni confondue avec la liberté de conscience ni encore moins prétextée pour porter atteinte à la culture et à la loi communes ! La République doit être sévère avec ce qui l’attaque. Aussi, nous faisons nôtre le mot de Marat qui, dans son Projet de Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen suivi d’un plan de Constitution juste sage et libre, écrivait : « La société doit tolérer toutes les religions, excepté celles qui la sapent. »
Le libre penseur, le démocrate, le républicain social, ne peut s’abandonner à aucun relativisme. Il ne peut y avoir de république sociale sans république laïque, rempart et fer de lance de la liberté. Les sophismes, les compromissions les plus abjectes doivent être dénoncés pour ce qu’ils sont et produisent. La démocratie ne peut tolérer l’intolérable ni encore moins ce qui vise à la détruire. Le communautarisme est le contraire de la Res publica. Le droit à la différence régulièrement revendiqué entraîne mécaniquement la différence des droits, il aboutit de facto au contraire de la république sociale et de la démocratie.
Lincoln avait défini la démocratie comme « le pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple ». Commander suppose l’acquisition du savoir, découlant de la transmission des connaissances. La démocratie nécessite donc l’instruction publique et l’éducation populaire. Souvenons-nous que la République des Lettres précéda la République française. La République des Lettres fut d’abord un espace aristocratique et « grand bourgeois », avant que l’instruction ne fût une préoccupation démocratique dont Diderot avait parfaitement saisi les enjeux. Il écrivait en effet dans son Plan d’une université ou d’une éducation publique dans toutes les sciences à l’adresse de la tsarine Catherine II : « Une université est une école dont la porte est indistinctement ouverte à tous les enfants d’une nation [...] Je dis indistinctement, parce qu’il serait aussi cruel qu'absurde de condamner à l'ignorance les conditions subalternes de la société. Dans toutes, il est des connaissances dont on ne saurait être privé sans conséquence. Le nombre des chaumières et des autres édifices particuliers étant à celui des palais dans le rapport de dix mille à un, il y a dix mille à parier contre un que le génie, les talents et la vertu sortiront plutôt d’une chaumière que d’un palais. » Il ajoutait « Instruire une nation, c’est la civiliser. Y éteindre les connaissances, c’est la ramener à l’état primitif de barbarie. » Voilà pourquoi, notamment, notre Cercle entend contribuer, à sa mesure, à la diffusion du savoir, de la culture, de la science. Voilà pourquoi, notamment, il entend inscrire sa démarche à la croisée des chemins entre l’éducation populaire et l’instruction publique.
Nous avons le devoir de préserver l’impertinence, l’irrévérence et la culture françaises, d’affronter ce « juridisme » qui tend à rétablir une nouvelle féodalité, nous devons revendiquer la primauté de la politique au sens noble du terme. La culture et la civilité, les principes de philosophie politique, sont porteurs d’un projet de société, qui unit les citoyens sur ce qui relève du commun – et c’est d’ailleurs le sens de laikos, « le peuple ». Montesquieu écrivait « Plus d’États ont péri parce qu’on a violé les mœurs que parce qu’on a violé les lois. »
Nous sommes les héritiers des Lumières et de la Révolution française ! Cela ne signifie pas renier le patrimoine culturel et historique de ce qui les précéda, mais revendiquer l’héritage philosophique et politique que nous reconnaissons pour nôtre, c’est notre rose des vents ! Si la démocratie admet le débat contradictoire sur ce qui est discutable au regard de ce qui la constitue, elle ne tolère pas la remise en cause de ce qui la fonde. La liberté, l’égalité, la fraternité, la laïcité n’ont pas à être mises en débat ! Voilà plus d’un siècle, Clemenceau déclarait « La grande affaire à venir, c’est la victoire de la loi républicaine sur le dogme religieux, des droits de l’Homme sur les droits de Dieu ! » Ce combat est malheureusement de nouveau d’actualité, il est le nôtre, il est notre devoir impérieux ! Le moyen, Jaurès nous l’a montré en déclamant : « Et c'est en dressant contre ces Églises, la grande association des Hommes travaillant au culte nouveau de la justice sociale et de l'humanité renouvelée, c'est par-là, et non par des schismes incertains, que vous ferez progresser ce pays conformément à son génie. » Oui, la laïcité est un combat ! Nous combattons pour et nous défendons la laïcité. La laïcité est sans adjectifs, la laïcité est de stricte séparation des cultes et de l’État, l’État n’est pas une entité séparée de la Nation, elle-même entendue comme la pensèrent ses pères fondateurs en France : l’assemblée des Citoyens ! La laïcité est la forme radicale du principe de sécularisation et elle embrasse toutes les strates de la société. C’est d’ailleurs ce qu’affirmait Buisson, qui théorisa le concept : « Les inconséquences dans la pratique, les concessions de détail, les hypocrisies masquées sous le nom de respect des traditions, rien n’a pu empêcher la société française de devenir, à tout prendre, la plus séculière, la plus laïque de l’Europe. »
Citoyens, ne nous y trompons pas : nous menons une lutte à mort contre l’obscurantisme ! Soyez- en sûrs, la victoire ne passera que par une détermination sans faille, une attitude offensive et une défense acharnée de la laïcité, et de facto, de tout ce dont elle est la garantie. Nous sommes, à notre mesure, de ces nouveaux Hussards de la République française. S’instruire et instruire, apprendre et transmettre, faire valoir vent debout nos principes, ébranler leurs ennemis, sont les éléments divers qui tendent à la même finalité : faire triompher la Raison et la liberté et anéantir l’obscurantisme. Sapere aude, « Ose comprendre par ton propre entendement », était l’invitation formulée par Kant. La rationalité doit retrouver la place centrale dans la transmission des savoirs et l’édification de la loi commune.
Citoyens, vous qui êtes d’accord avec cette déclaration solennelle, vous qui vous sentez en adéquation avec ce qu’elle proclame et affirme, d’où que vous veniez, quelles que soient vos sympathies politiques, vos origines, que vous soyez athées, agnostiques ou croyants, pourvu que vous soyez libres penseurs, vous êtes invités à rejoindre le Cercle Laïque d’Animation et de Formation d’Éducation Populaire et Sportive.