Le christianisme, une secte venue... d'Orient !

Le christianisme, une secte venue... d'Orient !

Je lis ici en un seul et même article deux posts différents, pour des raisons qui vous apparaitront évidentes à la lecture.

Dans l'Antiquité, la religion occupait aussi une place importante. La religion des Romains (que nous appelons aujourd'hui "mythologie"), avaient une dimension "intégrative". Ainsi, à Rome même, on a pu célébrer le culte d'Isis, Déesse égyptienne. On comprend qu'en soi, il n'aurait pas été un problème pour les Romains d'admettre l'existence d'un dieu qui se serait appelé Jésus. Je saisis l'occasion pour sabrer une croyance largement répandue par les (sous) péplum : les chrétiens martyrisés en masse. Des chrétiens ont été ponctuellement martyrisés, dans des circonstances bien précises, et la plupart du temps, le choix leur était laissé d'abjurer ; autre légende péplumesque, la majorité abjurait.
Il n'est pas question ici de légitimer les (quelques) martyrs chrétiens de l'antique histoire romaine, mais de comprendre. Comprendre que les chrétiens représentaient une menace pour l'unité de l'Empire. En effet, ceux-ci refusaient de se soumettre au culte impérial, ciment de l'unité politique d'une entité de quarante provinces plus l'Italie, réparties sur cinq millions de kilomètres carrés, à travers trois continents. Motif invoqué par les chrétiens : eux qui croyaient en un seul dieu ne pouvaient verser dans l'idolâtrie ou en reconnaître un autre. Une subtilité devait échapper à ces deuxièmes monothéistes : rendre un culte à l'empereur ne signifiait pas que celui-ci était un dieu... En fait, l'empereur n'a JAMAIS été considéré comme un dieu de son vivant. Le culte renvoyait à une dimension sacrée, pas divine. Les empereurs n'étaient divinisés qu'une fois qu'ils avaient trépassé. Ainsi, Vespasien, a qui l'on doit la construction de l'amphithéâtre flavien (le Colisée), aura ce superbe mot (si l'on en croit Suétone), juste avant de s'incliner devant la mort : "Je crois que je deviens dieu."
Le christianisme n'a jamais eu réellement de prise dans les provinces occidentales de l'Empire. Voilà venu le temps d'une troisième démystification sur la soi-disant christianisation fulgurante de l'Empire romain, qui ne repose sur aucune réalité historique ! La christianisation a été longue, diffuse et marginale. Les travaux de Paul Veyne notamment sont très éclairants. Ainsi, les provinces romaines où le christianisme remporta ses plus importants succès : l'Orient (Syrie, Iran, Irak, etc.) et l'Afrique (Maghreb, Egypte). Là-bas, le christianisme était pratiqué par... 10% de la population. La pensée occidentale étant aux antipodes du christianisme, celui-ci eut un mal considérable à s'implanter de manière solide, l'Occident ayant résisté à la christianisation (d'ailleurs, les efforts portés en la matière par Clovis au VIème siècle, Charlemagne, aux VIIIème - IX ème siècles, ou encore Étienne Ier de Hongrie, au XIème siècle, nous le rappellent). La province occidentale la plus réfractaire au christianisme ? La Gaule ! Un territoire du reste bien plus vaste que la France actuelle.
Comment en est-on arrivé aux croyances inverses et à Noël, fête chrétienne par excellence (alors que la cohérence voudrait que ce rôle eût été rempli par Pâques) ? Parce que le "Noël païen" était la fête religieuse la plus populaire de l'Antiquité tardive. Ainsi, au IVème siècle, les solsticiales fêtaient les journées les plus longues de l'hiver, annonçant l'arrivée du printemps, ou du moins une forme de renaissance. Au préalable sur une journée, ces fêtes se prolongèrent et le solstice d'hiver était aux alentours du 25 décembre (le dixième mois, "decem" = dix en latin). Les solsticiales étaient une célébration de Sol Invictus ("Soleil invaincu"), c'est-à-dire Apollon (dont les attributs sont bien opposés à ceux de Jésus-Christ). Les Pères fondateurs de l'Église n'ont pas eu de mal à insérer, à créer le mythe de la naissance de Jésus un 25 décembre. Ceci d'autant plus que le christianisme venait d'être toléré. Autre contre-vérité historique abondamment relayée y compris par de brillants intellectuels, qui ne sont pas historiens : Constantin aurait fait du christianisme la religion officielle de l'Empire romain. FAUX ! Constantin proclame en 313 un Édit de tolérance qui permet aux chrétiens d'exercer librement leur culte, il n'y aura plus de persécution (qui j'insiste n'étaient pas systématiques). Le christianisme demeure minoritaire dans l'Empire.
Il faut attendre 380 pour que le basculement s'opère, et ce basculement est forcé et violent. l'Empereur Théodose, chrétien probablement fanatique, décrète avec l'édit de Thessalonique que le christianisme est désormais la religion officielle de l'Empire romain. Mais comme si cela ne suffisait pas, il interdit tout ce qui s'apparente au paganisme : ainsi, les jeux olympiques, culte rendu à Zeus olympien, pratiqués depuis plus de 1000 ans... Il fait détruire les temples païens, les statues (donc les idoles), et le choix est laissé entre la conversion au christianisme ou l'épée. Le témoignage du poète Ausone sur l'abandon (en public) de la religion des ancêtres reste précieux. Si les persécutions des chrétiens avaient été limitées avant 313, celles des païens par les chrétiens furent systématiques. De surcroît, Théodose ne reconnaissait que le culte chrétien nicéen, donc catholique. Les Ariens notamment, mais toutes les autres sectes chrétiennes jugées hérétiques, furent traitées avec la même violence.
Ce que le christianisme n'avait pas réussi à faire par la force de la persuasion, il venait de réussir à le faire par la force de l'épée. Pour les soi-disant racines ("radicinas", à l'origine) chrétiennes de l'Europe, on repassera...



Mon article sur « le christianisme secte orientale », à l’occasion des fêtes de Noël, a circulé, et bien entendu fait beaucoup réagir. Le travail des historiens et des enseignants n’est pas de conforter les individus dans leurs croyances (dans l’ignorance crasse ?) ni encore moins d’adouber et d’ériger au rang de vérités historiques les avis des uns et des autres. Les avis, c’est comme l’orifice anal, tout le monde en a un. Aussi, à celles et ceux de mes contradicteurs qui me trouvent arrogant, je réponds (désolé je fais collectif) : « Je méprise la connerie. Je ne suis pas chimiste, il ne me viendrait pas à l’idée d’aller faire la leçon à un chimiste, ni même de contester une expérience à laquelle je ne comprends rien, même si je pouvais penser le contraire parce que j’aurais regardé « C’est pas sorcier ! » ou Écouter Mac Lesggy, avec un ton de surcroît péremptoire. Par contre je poserais des questions, j’avancerais en humilité. Je méprise la connerie, et si vous voulez débattre avec moi (nombreux-ses en ont déjà fait l’expérience autant que les frais), venez armé(e)s avec autre chose que vos convictions et retenez que pour moi, un débat se mène le sabre à la main. » (J’ai écrit en écriture néo-féministe pour surligner que je ne m’adresse pas qu’aux hommes…)

Je profite de ce post pour (re)préciser qu’il n’appartient pas aux hommes et aux femmes politiques ni d’écrire l’Histoire, ni même de qualifier tel ou tel événement, dans le but de le traduire en Droit. En conséquence, je suis contre la reconnaissance par des autorités instituées des génocides quels qu’ils soient, la pénalisation du négationnisme (qui me fait vomir du reste), ou encore la qualification par la loi de l’esclavage comme « crime contre l’humanité » (ce qui ne se discute pas du reste). D’ailleurs, concernant ce dernier élément, la Loi Taubira ne qualifie de « crime contre l’humanité » que l’esclavage des noirs victimes du « commerce triangulaire », mais refuse d’y intégrer l’esclavage des noirs victimes des Arabo-musulmans (comme par hasard), au motif qu’il « ne faut pas trop évoquer la traite négrière arabo-musulmane pour que les jeunes Arabes ne portent pas sur leur dos tout le poids de l’héritage des méfaits des Arabes. Les enjeux du présent expliquent ces relectures du passé » – anachronisme, au mieux (il m’avait échappé que l’on était aussi précautionneux à l’endroit des jeunes descendants de Pieds noirs ; un autre grand historien, Emmanuel Jupiter Ier, s’est par ailleurs presque aventuré sur ce terrain récemment.

J’ajoute (quitte à choquer allons-y à fond), que le révisionnisme (réviser, réactualiser les connaissances) est à la base du travail de recherche historique. Malheureusement et chacun le comprendra, ce terme et ce concept ont été détournés de leur substance originelle. Et réviser (revérifier, conforter ou contredire une thèse), n’est pas nier une réalité historique, laquelle est définie par ceux dont l’Histoire est le métier… 

Laissez-les étudiants étudier, les chercheurs chercher, les enseignants enseigner, et je conclurais avec une de mes nombreuses arrogances : il n’y a pas de sot métier, mais il faut que chacun sache rester à sa place, en pleine conscience de ses limites (fussent-elles intellectuelles ? paradoxe.)

PS 1 : Eric Zemmour n’est pas historien, il est un journaliste qui a lu des livres d’Histoire.

PS 2 : Stéphane Bern n’est pas historien, il est un journaliste qui s’intéresse à l’Histoire.

PS 3 : est historien celui qui étudie l’Histoire, avec des méthodes précises (Historia, gr., « enquête »), à partir de sources de premières mains (archives, objets, etc), d’un contexte donné, de l’enchevêtrement des événements, dans l’espace et dans le temps, à partir des travaux d’autres historiens, etc. Écouter Franck Ferrand (qui est historien) à la radio ne fait pas de tout un chacun un historien.


Jean-Baptiste Chikhi-Budjeia


Jean-Baptiste Chikhi-Budjeia

Jean-Baptiste Chikhi-Budjeia a grandi et vécu dans la banlieue Ouest d'Aix en Provence. Il est engagé dans des réseaux d'éducation populaire depuis une vingtaine d'années. Militant laïque, républicain radical, il réalise actuellement une thèse de Doctorat d'Histoire moderne sur la sociabilité politique pendant Révolution française. Il est également professeur de Karaté-Do et éducateur sportif professionnel.


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