Les racines chrétiennes de l’Europe, ou une escroquerie intellectuelle non savamment entretenue

Les racines chrétiennes de l’Europe, ou une escroquerie intellectuelle non savamment entretenue

Mascarade ! Quelle mascarade entretenue depuis des siècles par des armées d’incultes et d’escrocs de la pensée. Plus de cinq mille ans d’Histoire (si l’on admet l’apparition de l’écriture comme le grand élément perturbateur), des milliers d’années de civilisations celte, grecque et romaine, marquées par le paganisme, mais l’on retiendrait comme racines de notre civilisation tout au plus quinze siècles d’occident christianisé ?! Le christianisme est une secte venue d’Orient (tiens, comme le judaïsme qui lui est antérieur et l’islam qui lui sera postérieur). Les premiers chrétiens sont par ailleurs des juifs qui voient en Jésus-Christ le Messie, le fils de dieu ressuscité. La Bible n’a jamais été un texte fondateur de la civilisation occidentale. Son modèle spirituel est aux antipodes des éléments constitutifs de la culture occidentale. Vous voulez lire des textes fondateurs de la civilisation occidentale ? Plongez-vous dans L’Iliade, L’Odysée, vivez L’Enéïde ! Elles sont ici, les racines de l’Europe ! Comment en est-on arrivé à faire à ce point passer des vessies pour des lanternes ?

Rome la Ville éternelle, polythéiste christianisée

Rome, la ville éternelle, sera, à l’apogée de sa puissance, à la tête d’un Empire composé de quarante Provinces réparties sur trois continents ; un territoire étendu sur plus de six millions de km². Les premiers chrétiens seront minoritaires dans un Empire polythéiste très largement ouvert à des formes de syncrétisme ; par exemple, on fêtera à Rome-même le culte d’Isis, déesse égyptienne. En soi, les Romains n’auraient pas eu de problème à admettre que pour une partie de la population de l’Empire, une divinité de premier plan s’appelait Jésus (voire à l’intégrer à leur panthéon), pas plus qu’ils n’en ont eu avec les juifs et leur dieu unique (jusqu’à ce qu’ils entrent dans une résistance véhémente). Le problème que les chrétiens poseront à l’Empire romain est purement politique : ceux-ci refusent de se soumettre au culte impérial, revendiquant leur monothéisme. Il est intéressant de noter que dès les origines, les chrétiens s’illustrent par leur absence totale de subtilité intellectuelle et leur sectarisme. En effet, l’Empereur vivant n’est jamais, au combien jamais, considéré comme un dieu. Le culte impérial est le ciment politique de l’Empire romain, l’Empereur n’y est pas salué comme une divinité, même s’il a un caractère sacré (il est « Auguste »). Le culte impérial a quelque chose de paternaliste… et de profondément politique. Les chrétiens refusent de s’y soumettre, et par-là même remettent en cause l’unité de l’Empire. Ils posent des problèmes d’ordre public et seront martyrisés. Certains auraient même étaient utilisés comme torches vivantes sous Néron. Sur ces épiphénomènes violents et atroces, on parviendra à créer la mystique des martyrisations de masse qui perdurera jusqu’au XXème Siècle (Cf. les péplum Fabiola, Les derniers jours de Pompéï, où dans cet opus de Sergio Leone l’irruption du Vésuve apparaît comme une punition du Dieu unique), mais dans le même temps, on parvient à soutenir que la christianisation est massive et surtout rapide. Cherchez l’erreur… Bien évidemment, le christianisme connaîtra un succès relatif. Une nouvelle religion, laquelle prône l’égalité de tous devant Dieu dans un monde absolument inégalitaire, cela ne peut qu’avoir de l’écho. Par le biais des marchands et des ports, le christianisme se « délocalise », mais demeure ultra-minoritaire et se répand très lentement (les travaux de Veyne et de McMullen sont à cet égard très intéressants). De surcroît, plus on avance vers l’Ouest de l’Empire, plus il a du mal à trouver de l’écho. 

Il faut attendre le IVème siècle pour que le christianisme connaisse un essor. L’Empereur romain Constantin Ier le Grand, à qui l’on doit la fondation de Byzance (Constantinople, actuelle Istanbul), proclame à Milan un Edit de tolérance qui permet au christianisme d’être reconnu et pratiqué légalement. Il existe donc désormais à égalité officielle des autres cultes. Les chrétiens ne seront plus martyrisés. Ils restent cependant minoritaires et c’est toujours en Orient et dans les Provinces d’Afrique que le christianisme trouve le plus d’écho (un dixième de la population, wouhou, le succès !). Quant à Constantin, il ne se convertira… que sur son lit de mort (en 337)!

Le christianisme ne parvient pas à s’imposer largement ni encore moins à supplanter les autres cultes. Mais à la fin du IVème siècle, les actions de Théodose vont bouleverser cette réalité, et ce, au fil de l’épée. De 380 à 392, notamment avec l’Edit de Thessalonique, l’Empereur romain Théodose, chrétien fanatique, fait non seulement du christianisme la religion officielle de tout l’Empire, mais en plus interdit tous les cultes liés de près ou de loin au paganisme ! Ainsi, les jeux olympiques sont prohibés, les temples païens sont détruits, les pratiquants de ces cultes persécutés et ceux-ci étant majoritaires, les persécutions sont massives (il faut préciser que les chrétiens jugés hérétiques, comme les aryens par exemple, sont aussi massacrés). Pourtant, les courants de pensées religieux polythéistes ou les courants philosophiques, stoïciens, épicuriens, (vous savez, les authentiques racines de l’Europe) etc, résistent. Mais le christianisme, déjà servi par des armées d’hystériques décérébrés, continue les « conversions à coups de bâtons », quand, il ne se contente pas simplement de trancher dans le vif.

Parmi les provinces occidentales, la plus réfractaire à cette religion orientale est… la Gaule ! La Gaule qui est alors un territoire, faut-il le rappeler, bien plus vaste que la France actuelle, puisqu’il s’étend également sur l’Italie du Nord, la Suisse, la Belgique, et pousse dans l’Allemagne actuelle jusqu’au Rhin. Les résistances à la christianisation persisteront dans le Var et en Bretagne jusque dans le Haut Moyen-Âge (on repassera, pour les soi-disant racines chrétiennes de la France). En Egypte, à Alexandrie précisément, les malades… pardon, les chrétiens, massacrent la philosophe et mathématicienne Hypathie, ils brûlent les livres et détruisent tout ce qu’ils peuvent du savoir antique. Cette période est retranscrite avec justesse dans le film d’Alejandro Amenabar, Agora. Une religion de paix, déjà, elle aussi… Ironie du sort, le christianisme avait lui-même était « paganisé » au préalable, ce qui permis d’une certaine manière au christianisme de s’accommoder des superstitions d’antan et d’infiltrer davantage la société romaine antique. Le plus bel exemple en la matière est sans nul doute la naissance du Christ fixée au 25 décembre.

Noël, une fête païenne spoliée 

Dans l’Antiquité tardive, le solstice d’hiver est le 25 décembre. Au IIIème siècle, les Romains s’inspirent de la mystique liée au dieu Apollon pour créer le culte du Soleil invaincu, « Sol invictus ». Culte très populaire rendu… le 25 décembre pour fêter la naissance du soleil ! Une naissance divine, voilà qui est avisé. Le syncrétisme opérant très efficacement, il ne sera pas difficile de substituer la naissance de Jésus à celle du Soleil, célébrer cette dernière étant interdit souvenez-vous par Théodose, ce dernier n’admettant plus que la naissance du Messie (une façon brutale de… déraciner des pratiques ancestrales et de les remplacer par d’autres venues d’ailleurs, les faire coexister ne suffisait probablement pas aux yeux des fanatiques, tiens tiens…). « Noël » en français viendrait d’ailleurs du latin « natalis », « naissance ». On n’y verrait que du feu…

Clovis, une conversion politique

Enfin, un autre tourment… pardon, tournant majeur nous intéresse ici au premier chef. Nous sommes au Vème siècle. Clovis, le Roi païen des Francs saliens, ambitionne de conquérir toute la Gaule, largement romanisée et donc sous influence de l’Eglise de Rome. Clovis avait épousé une princesse chrétienne, Clotilde, mais ne s’était pas lui-même converti. Grégoire de Tours, habile escroc de la pensée, justifie la conversion de Clovis par le cours que prit la Bataille de Tolbiac, qui opposait les guerriers francs à un autre peuple germanique, les Alamans. Ces derniers massacraient les premiers selon Grégoire de Tour, mais vous savez, selon la tradition chrétienne, les derniers seront les premiers et vice versa. Aussi, Clovis se serait jeté à terre et aurait ouvert son cœur au dieu des chrétiens, s’adressant à Jésus en personne : « Accorde-moi la victoire et je me ferai baptiser en ton nom. » Voilà de quoi émouvoir aux larmes. Et devinez ce qu’il arriva : Djizeus exauça Clovis, qui tint sa promesse. Magnifique réécriture de l’Histoire, un peu comme le Coran le fera quelques trois à quatre siècles plus tard, lorsqu’il affirme que Ramsès II finit par reconnaître Allah. Ben voyons ! Aussi, le 25 décembre 496 ou 98 (les historiens se battent), Louis, pardon Clovis, qui signifie « Louis », d’où l’emprunt de ce nom par de nombreux rois de France au cours de l’Histoire, se convertit au christianisme. Selon Grégoire de Tours, avec trois milles guerriers. Cela se déroule sous l’autorité de l’évêque Rémi en la cathédrale de Reims ; les sacres des rois de France y seront systématiques : dès lors, ou du moins par la suite, la tradition reconnaîtra le Roi de France comme « le roi très chrétien » et la France comme « la fille aînée de l’Eglise ». C’est d’ailleurs pour cela que les Républicains et la Gauche créeront « nos ancêtres les Gaulois », pour rappeler que les racines de la France ne sont ni catholiques ni monarchistes, que la Royauté française n’est pas la substantifique moelle de la Nation française. Revenons-en au Moyen-Âge.

On continuera à fabriquer des racines chrétiennes à la France et une mystique irrationnelle et décérébrée : au IXème Siècle par exemple, l’épisode de la Sainte-Ampoule. On préfère ne pas trop mettre en exergue l’opposition de l’aristocratie franque à cette conversion opportuniste, le choix stratégique de Clovis qui par cette conversion obtenait une légitimité aux yeux des chrétiens (ce dont seront privés les autres barbares, rivaux), d’autant qu’il devenait protecteur de l’Eglise. Un contrat avisé, signé en bonne et due forme. Bref, de la Politique ! Il faudra encore des siècles de christianisation forcée, de persécution des adeptes des anciens rites à coups d’ordalies, de bûchers et de procès d’inquisition pour assoir le christianisme comme seul et unique modèle spirituel admis, parfaitement imprégné par l’ensemble du corps social. On repassera vraiment pour les racines chrétiennes de la France et de l’Europe…

Les malhonnêtes et les imbéciles diront « les racines de la France remontent à Clovis et bien sûr à sa conversion », sous-entendu pas au-delà. Ben voyons, la France serait les racines d’elle-même. « Les cons ça ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnaît ! ». D’autant que Clovis et le Royaume des Francs, ce n’est pas la France…

Une histoire chrétienne oui, entre autres…

Il ne s’agit pas ici de nier l’Histoire chrétienne de la France ou de l’Europe, ce serait absurde ! Mais admettre l’Histoire chrétienne de la France ou de l’Europe ce n’est pas admettre qu’elles ont des racines chrétiennes. Cette affirmation stupide et fallacieuse est une construction mythologique faite non pas pour nous amener à réfléchir sur le sens de l’existence, comme ce peut être le cas des mythes classiques gréco-romains, mais d’instrumentaliser aujourd’hui politiquement une identité falsifiée contre une autre, dont elle est rivale ! Affirmer que les racines de l’Europe sont chrétiennes est aussi crétin que de soutenir que les racines de l’Arabie et du Golf persique sont musulmanes.

Judaïsme, christianisme, islam, trois sectes originaires peu ou prou de la même région du globe. Trois interprétations foncièrement phallocrates et misogynes, mais rivales, d’une même spiritualité et d’un même livre. Trois insultes à l’intelligence et à la raison.

Aller, joyeux Noël 

Jean-Baptiste Chikhi-Budjeia

Jean-Baptiste Chikhi-Budjeia

Jean-Baptiste Chikhi-Budjeia a grandi et vécu dans la banlieue Ouest d'Aix en Provence. Il est engagé dans des réseaux d'éducation populaire depuis une vingtaine d'années. Militant laïque, républicain radical, il réalise actuellement une thèse de Doctorat d'Histoire moderne sur la sociabilité politique pendant Révolution française. Il est également professeur de Karaté-Do et éducateur sportif professionnel.


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