La religion et la politique politicienne contre la République

La religion et la politique politicienne contre la République

La religion, poison de la Société
 
Je sais d’ores et déjà qu’à la lecture de ce titre, je vais être affublé, comme dans les associations d’éducation populaire pour lesquelles j’ai travaillé, des critiques auxquelles je me suis habitué : « JB, le poil à gratter », « Tu es un laïcar, un extrémiste ». Que ces critiques viennent de personnes de sensibilité de Droite me dérange mais ne me surprend guère. En revanche, qu’elles viennent de sympathisants et de militants soi-disant de Gauche, voire de la Gauche de la Gauche, me fait franchement mal aux fesses, et encore je reste poli. Alors à celles et ceux de mes amis qui portent ce regard sur moi, je rappelle simplement ceci :
 
Aucun de vous n’a comme moi, grandi et vécu dans les milieux catholiques ; aucun de vous n’a comme moi, eu des contacts personnels avec des ecclésiastiques ; aucun de vous n’a, contrairement à moi, été parti prenante dans des mouvements de jeunesse confessionnels, n’y a pris des responsabilités ; aucun de vous n’a comme moi, participé à des échanges œcuméniques (rassemblement de croyants de différentes religions) ; très peu d’entre vous ont formé, dans le cadre de structures soi-disant d’éducation populaire, des jeunes et des moins jeunes, issus d’associations confessionnelles juives, chrétiennes et musulmanes ; aucun de vous n’a une cousine algérienne, qui, lorsqu’elle vient en France, est profondément choquée de voir autant de femmes, d’origines arabes ou européennes, porter le voile islamique ; et je pourrais à aller jusqu’à dire qu’aucun d’entre vous n’a un cousin kabyle qui a été contraint de faire un choix déchirant, face au terrorisme islamique. Bref, à celles et ceux qui me collent cette étiquette de mec excessif et extrémiste lorsque nous abordons les questions religieuses, je dis simplement qu’aucun de vous n’a ma connaissance personnelle et intime de ces milieux religieux !
 
Les milieux dont je parle se disent « modérés ». Constater le degré de conservatisme et de pensée rétrograde dans des cercles « modérés » permet de jauger précisément ce qu’il doit en être dans les milieux fondamentalistes. Mais je vais laisser ceux-ci de côté, car l’idée même du débat ne se pose pas en la matière.
Je suis un homme rationnel, réfléchi et objectif. J’ai depuis longtemps levé mes œillères et toute personne faisant preuve d’un minimum d’honnêteté intellectuelle ne peut qu’admettre que si la foi est intime et personnelle, la religion est elle, par essence, prosélyte et conquérante ! Je parle évidemment des religions monothéïstes, celles qui n’admettent l’existence d’un seul dieu, le leur –oui, la réalité est celle-ci, derrière la tolérance de façade, et j’invite tout le monde à rechercher la signification première de ce mot galvaudé, tolérance… Les croyants « modérés » dont je parle, toutes confessions confondues, ne digèrent toujours pas, au moins inconsciemment, que le temporel se soit émancipé du spirituel. Et cela est flagrant lors de légiférations sociétales. Ils condamnent tous unanimement l’homosexualité - pour ne pas être accusés de condamner les homosexuels -, restent majoritairement hostiles à l’IVG – dénoncée comme étant un meurtre, si si -, ne sont pas favorables aux relations sexuelles préconjugales – surtout lorsque cela concerne les femmes – ni même aux moyens de contraception – dans les milieux les plus traditionalistes.
Ces croyants s’accordent souvent sur l’interdiction du droit au blasphème – parce que merde, il y a des choses que l’on ne peut pas critiquer – et n’hésitent pas à s’attaquer aux œuvres et aux artistes qui mettent leur institution ou leur religion dans une posture inconfortable ou peu flatteuse – Amen, Golgotha pique-nique, Exodus, etc.
On a voulu nous faire croire que seuls les fanatiques du G.U.D. et les illuminés proches de Christine Boutin avaient défilé lors des débats liés au « mariage pour tous », il n’en est rien ! On a aussi fait semblant, à l’occasion des dernières municipales, de ne pas entendre à Marseille, ces musulmans qui disaient, se détournant de la Gauche : « Ils laissent les homos se marier, c’est un scandale. Ils savent pourtant que pour nous, musulmans, c’est quelque chose d’inacceptable ! » Tout ceci avec la complicité et la lâcheté de nos responsables politiques, lesquels invitèrent les responsables des trois grandes religions du Livre à prendre part aux débats devant la commission parlementaire ! Quelle honte !!! Quel déni de la Loi de 1905 ! On n’avait jamais vu d’élus du Peuple solliciter l’avis des responsables religieux pour établir une loi sociétale et de progrès social…
 
Je vois ces croyants faire monter non plus de part et d’autre mais bel et bien de toute part, les tensions communautaires. Je pense à tous ces juifs avec lesquels j’ai échangé, qui pour la plupart n’avaient pas vingt-cinq ans, qui se replient sur leur communauté, ne vivent et ne parlent que Bar-mitsva, qui sont nés et vivent en France mais clament haut et fort que leur « Patrie, c’est Israël », qui accusent les musulmans d’être antisémites - ce qui est un non-sens absurde – quand eux-mêmes sont violemment anti-arabes ; Je pense à ses juifs qui refusent de chanter à côté d’une femme, parce que sa voix est une tentation qui détourne l’homme de la chasteté, à ses femmes qui s’interdisent de porter un pantalon ou un haut à manches courtes ;
Je pense à ces chrétiens, essentiellement catholiques, qui se servent de la laïcité comme prétexte à l’islamophobie, qui sont contre la construction des mosquées en rappelant « qu’en France on construit des églises », qui sont, à juste titre, choqués qu’une femme puisse porter un voile mais trouve normal qu’une « petite sœur de Jésus » en fasse autant, qui ne veulent pas voir de prière de rue au nom de la laïcité mais s’offusquent que l’on interdise à une instance de la République, laïque, de faire une crèche, tout en rappelant que les racines de la France et de l’Europe sont chrétiennes – ce qui est une erreur fondamentale. Ce sont ces mêmes chrétiens « modérés » qui ont du mal à digérer que l’on puisse proposer du halal dans les cantines scolaires mais qui ne trouvent pas anormal que les mêmes établissements servent systématiquement du poisson le vendredi ;
Je pense à ces musulmans, et j’en connais beaucoup, qui se plaignent tous les jours des discriminations les plus honteuses quand eux-mêmes versent de manière abjecte dans l’homophobie et le sexisme les plus archaïques. Je pense à ces musulmans qui dénoncent l’inégalité de la société française quand eux-mêmes ne reconnaissent pas à leur épouse d’être leur égal ou instituent entre leur fils et leur fille une inégalité de fait, qui n’acceptent pas que leur femme soit touchée par un médecin ou un kiné et qui s’offusquent que l’on aborde à l’Ecole de la République les questions de sexualité. Je pense à ces musulmans qui n’acceptent pas que la République française soit aussi le Droit au blasphème, la critique du pouvoir religieux. Effectivement, il est impératif de ne pas faire d’amalgames, car musulman n’est pas synonyme de terroriste. Pour autant, ne faisons pas comme si nous n’avions pas vu sur la toile : « J’espère qu’ils ont eu Charb », « C’est bien fait », « Le Prophète a été vengé » ; comme si aucun adolescent n’avait dit en classe à son professeur, sourire aux lèvres : « Ils ont attaqué les musulmans et les musulmans leur ont montré que… » - le professeur en question, en l’occurrence ici, c’est moi – ou comme s'il n’y avait pas eu d’incidents dans « seulement » soixante-dix établissements sur quarante mille.
Je salue l’équipe Charlie, qui, presque seule et malgré les menaces, a continué à critiquer et caricaturer l’Islam comme elle l’a fait avec le Judaïsme et le Christianisme. Nous nous attaquons à juste titre au Judaïsme orthodoxe et au Christianisme intégriste. Il n’y a aucune raison que l’Islam fondamentaliste ne soit épargné !
 
Je me souviens d’un rassemblement de formateurs en Région parisienne. Le groupe s’écharpait sur les questions de Laïcité. Une collègue, principal de collège, a eu une parole pleine de justesse face à nos cadres, des lâches bottant systématiquement en touche : « Je ne crois pas que cela soit à nous d’équilibrer cela sur les stages. Nous avons viré les curés par la porte en 1905 et nous les laissons aujourd’hui revenir par la fenêtre, accompagnés des imams et des rabbins ! ».
Chacun(e) est libre de croire ou de ne pas croire. Tout le monde peut, s’il le souhaite – et la question de la liberté en la matière est compliquée à déterminer -, communier avec le divin, mais sans que cela ne prenne le pas sur la chose publique – Res Publica -. Mon vécu et mon parcours m’ont amené à constater que lorsqu’il y a contradiction, combat intérieur, sur les questions sociétales, le croyant modéré laisse parler le fidèle et non le citoyen. A cours d’arguments rationnels, il invoquera sa religion. Très rares sont les exceptions.
Et nos dirigeants politiques sont responsables de ces dérives communautaristes qui gangrènent notre société depuis des années. Ils sont responsables d’avoir laissé les fidèles de tout poil mettre à genoux la Laïcité et par la même, ébranler le pacte social républicain ! La Gauche a démissionné et la Droite a instrumentalisé…

Jean-Baptiste Chikhi-Budjeia
 

Jean-Baptiste Chikhi-Budjeia

Jean-Baptiste Chikhi-Budjeia a grandi et vécu dans la banlieue Ouest d'Aix en Provence. Il est engagé dans des réseaux d'éducation populaire depuis une vingtaine d'années. Militant laïque, républicain radical, il réalise actuellement une thèse de Doctorat d'Histoire moderne sur la sociabilité politique pendant Révolution française. Il est également professeur de Karaté-Do et éducateur sportif professionnel.


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