L'interdiction des signes religieux, un projet fasciste ?

L'interdiction des signes religieux, un projet fasciste ?

La droitisation de la société et la colonisation culturelle puritaine américaine sur nos consciences sont telles que l’on entend et lit ici ou là que décréter l’interdiction d’un vêtement religieux dans l’espace public non-seulement ne serait pas possible, mais qu’en plus cela relèverait d’une pensée d’extrême-droite, voire fascisante. L’inculture crasse n’aidant pas, les tenants de ces propos ignorent – ou feignent d’ignorer – que non-seulement cela a déjà été fait, mais qu’en-plus l’initiative venait plutôt de l’autre côté de l’hémicycle…
 
Pendant la Révolution française, les Antipolitiques d’Aix avaient par exemple pétitionné à la « municipalité afin qu’elle fasse une proclamation qui ordonne que les prêtres ne paraissent plus en public en soutane », délibération du 5 octobre 1792. Les Antipolitiques d’Aix, club d’extrême-gauche à la sociologie populaire. Cette exigence n’était pas marginale, loin s’en faut, en réalité, la pétition des Antipolitiques était même loin d’être originale. Il faut comprendre pourquoi : d’abord, nous relèverons que cette délibération radicale était prise peu de temps après l’entrée en République et qu’avec celle-ci, nombre de « patriotes prononcés » – ceux qui voulaient un régime démocratique et social, dont les Antipolitiques, fers de lance contre le fanatisme – étaient convaincus, à raison de mon point de vue, de l’incompatibilité de la religion – essentiellement catholique à l’époque, mais d’autres cultes étaient pratiqués en France – avec le nouveau régime. Par ailleurs, l’on voulait contraindre, oui contraindre, les prêtres à intégrer le corps des citoyens ; il était de facto inenvisageable que quiconque pût s’y soustraire en affichant un statut social différent, en s’en distinguant par un vêtement religieux.
 
« […] nul ne peut paraître en public avec les habits, ornements ou costumes affectés à des cérémonies religieuses. »
« Aucune proclamation ni convocation publique ne peut être faite pour y [au lieu de culte] inviter les citoyens. »
« Aucun signe particulier à un culte ne peut être placé dans un lieu public, ni extérieurement, de quelque manière que ce soit. »
Loi de séparation des cultes et de l’Etat du 21 février… 1795 ! 
 
Il est vrai qu’alors ni la lâcheté, oui la lâcheté, ni l’esprit de soumission, n’avaient de prise sur les citoyens. Les sources démontrent que face aux menaces de rébellion et de guerre civile – de chantage ajouterions-nous aujourd’hui – que faisaient peser sur la Révolution d’abord, puis la République, des croyants intégristes et fanatisés, les protagonistes de l’époque non-seulement ne cédèrent pas un pouce de terrain, mais en plus affrontèrent la situation avec la détermination nécessaire et l’usage de la force publique – et alors-même que la France était menacée sur toute ses frontières et une partie du territoire envahi… C’est cette détermination, ce courage, ce sens de la justice et de la nécessité de laïciser la société – et pas les seules institutions de l’État, ce qui n’a aucun sens – bref, des qualité dont sont dépourvues les armées de sophistes, d’hypocrites, d’opportunistes d’aujourd’hui, qui avaient aussi conduit la Révolution à abolir – et de fait interdire – les vœux solennels et les congrégations religieuses – dès avant l’entrée en République –, à décréter que les lieux de cultes étaient propriété de la Nation ou encore à laïciser complètement le calendrier.
 

Jean-Baptiste Chikhi-Budjeia

Jean-Baptiste Chikhi-Budjeia a grandi et vécu dans la banlieue Ouest d'Aix en Provence. Il est engagé dans des réseaux d'éducation populaire depuis une vingtaine d'années. Militant laïque, républicain radical, il réalise actuellement une thèse de Doctorat d'Histoire moderne sur la sociabilité politique pendant Révolution française. Il est également professeur de Karaté-Do et éducateur sportif professionnel.


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