"Chassez Soljenitsyne !"

Vous avez été quelques-uns à vous étonner que je ne m’exprimasse pas relativement à la guerre en Ukraine. Je ne me sens pas légitime à le faire et je ne suis pas certain d’apporter un avis différent sur l’invasion russe que ceux qui circulent depuis des semaines. Je ne le ferai donc pas. En revanche, je note ce que cela révèle, jusqu’à l’indécence et l’absurde, comme dans l’affaire du collège Alexandre Soljenitsyne, par lequel je terminerai cet article.
 
Si les propos se concentrent légitimement sur l’attaque de Poutine et les violences russes, je remarque que ceux-là même qui les dénoncent n’ont pas été horrifiés par les massacres perpétrés par des Ukrainiens contre leurs compatriotes russophones, ces dernières années. Sont-ce les mêmes qui alertent sur la persécution des Ouïgours en Chine mais restent muets sur la situation quasi-génocidaire subie par les chrétiens d’Orient, massacrés depuis des décennies par leurs frères musulmans ?
Les indignations sélectives révèlent également un (quasi) silence assourdissant sur la violation des Accords de Minsk, et sur les provocations de l’O.T.A.N. qui s’était pourtant engagé à ne pas s’aventurer à l’Est. D’aucuns opposeront que c’est une erreur de penser « que c’est la faute de l’O.T.A.N. » – ce n’est pas ce que j’ai écrit par ailleurs. Nous n’en saurons en réalité jamais rien – et cela ne dédouane pas la Russie –, en revanche, l’O.T.A.N. a bel et bien servi sur un plateau d’argent à Poutine le prétexte d’une « guerre préventive ». Et au milieu des atrocités de la guerre et du désespoir des réfugiés, cette crise révèle la faiblesse de la France ! Jadis, une voix au-dessus des factions, car la République française, sortie du commandement militaire intégré de l’O.T.A.N., avait sa diplomatie propre, son prestige et une armée puissante – de la folie de réduire les crédits alloués – ; pourrait-il demain en être autrement ? Encore faudrait-il pour cela avoir à la tête de l’État un Président de la République, et pas un adolescent attardé doublé d’un pervers narcissique. L’on devrait pouvoir poser ces éléments sur la table sans être taxé d’être un « poutinolâtre ». Entre les hérauts de l’indignation sélective et les esprits torturés qui évoquent « une guerre civile » – si l’Ukraine est « la petite Russie », ne faisons pas comme si elle n’était pas un État-Nation depuis 1918, indépendance brève puisque s’en suivie l’intégration dans l’U.R.S.S. –, il y a la voie de la raison… Nos esprits embrumés sont colonisés par les États-Unis d’Amérique.
 
Les USA, champions de la démocratie, gendarmes du monde, indignés par des crimes de guerre. Effectivement, je ne comprends pas comment l’on peut contester qu’il y ait en Ukraine des crimes de guerre commis par l’armée russe, sauf à soutenir, à l’heure des drones et des visées satellites, que pulvériser un hôpital par exemple, serait un malheureux dommage collatéral. Mais les USA ne sont pas en reste. Ils n’ont pas rechigné à se compromettre dans le crime de guerre en envoyant, les 6 et 9 août 1945, deux bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki. Les champions américains de la démocratie n’ont pas répugné à renverser un gouvernement légitime, celui de Salvador Allende, pour installer au Chili le régime – « néo-fasciste » ? – de Pinochet. Par ailleurs, peut-on encore parler de démocratie pour un pays où un athée n’a aucune chance d’être élu président de la République fédérale et où il faut être en capacité d’aligner des milliards pour espérer siéger à la Maison Blanche ? Bref ! 
 
            Revenons-en à ce que révèle, chez nous, cette guerre en Europe ? L’affaire absurde du Collège Alexandre Soljenitsyne. Une armée de crétins syndiqués de l’Éducation Nationale demande à ce que l’on débaptisât l’établissement vendéen qui porte le nom de l’auteur russe du fait de sa proximité avec Poutine, au profit d’un poète ukrainien, et par solidarité évidemment avec le pays attaqué. Les mêmes islamo-collaborationnistes qui ferment les yeux sur le fanatisme musulman – je vais y revenir – induisent ainsi par-là même qu’être russe serait donc devenu un crime. Après Tolstoï, Tchaïkovski, il faudrait donc que Soljenitsyne mourût une seconde fois. Donner au C.D.I. d’un collège qui porte le nom d’un intellectuel russe – favorable à « l’unité de la Russie » – celui d’un auteur ukrainien n’eût donc pas été possible – la portée symbolique de la chose n’en fût-elle pas plus puissante ? Alexandre Soljenitsyne, l’auteur de L’archipel du Goulag (1973), Soljenitsyne, l’écrivain qui dénonça la tyrannie dans son propre pays, Soljenitsyne qui paya de l’exil cet acte de courage, censuré par des abrutis tellement « wokisés » qu’ils en ont oublié l’essence de leur métier. Parmi les signataires, nous relevons la CGT Educ’ation ou Sud Education, c’est-à-dire des officines tellement pourries qu’elles répondirent à l’appel à manifester lancé par l’extrême-droite islamique, défilant aux côtés de ceux qui crièrent « Allahou Akbar » à quelques centaines de mètres du Bataclan… Mais qu’est donc devenue cette grande maison qu’était l’Éducation Nationale – et qui devrait redevenir, comme le souhaite tout progressiste et démocrate qui se respecte, l’Instruction publique ?!
Absence totale de discernement, inculture crasse, institutionnalisation de la médiocrité, diffusion voire promotion du fanatisme islamique – et avant de m’opposer que je diffame, rappelez-moi qui attaqua Fatiha Agag-Boudjhalat sur les motifs que l’on connaît, qui fit quoi et comment à Samuel Paty avant qu’on ne le décapitât…
J’ai évidemment une pensée pour ces enseignants vertueux qui ne cautionnent pas pareils agissements et telles folies ; je leur exprime ma sympathie autant que ma solidarité. J’aimerais cependant qu’on les entendît davantage… publiquement !

Jean-Baptiste Chikhi-Budjeia
 

Jean-Baptiste Chikhi-Budjeia

Jean-Baptiste Chikhi-Budjeia a grandi et vécu dans la banlieue Ouest d'Aix en Provence. Il est engagé dans des réseaux d'éducation populaire depuis une vingtaine d'années. Militant laïque, républicain radical, il réalise actuellement une thèse de Doctorat d'Histoire moderne sur la sociabilité politique pendant Révolution française. Il est également professeur de Karaté-Do et éducateur sportif professionnel.


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