Une coalition de nains ne fait pas un géant

Une coalition de nains ne fait pas un géant


            En cette période d’apparente démocratie, où 360 millions d’Européens sont appelés aux urnes, nous eussions apprécié que les appareils d’État, la technocratie bruxelloise et les médias européistes livrassent une campagne digne et fissent preuve de ce qui leur fait cruellement défaut, l’honnêteté, depuis que des laquais atlantistes, à l’instar de Jean Monnet et tant d’autres, s’évertuèrent à étouffer – mais très « proprement » – peuples et États. Aussi, il est désormais coutumier d’entendre, en guise d’argument massue – c’est dire la fragilité du projet et la faiblesse de ceux qui le portent – que l’Union européenne – européiste serait un adjectif plus adéquat –, que chacun des États membres serait trop petit pour exister seul face aux terribles cyclopes. Nous serions, sans l’UE, purement et simplement dévorés par Polyphème, tels les compagnons d’Ulysse prisonniers dans la grotte du fils de Poséidon. Au moins, on nous accordera que les Etats-Unis, qui, soit dit en passant, obtinrent leur indépendance en grande partie grâce à l’engagement de la France de Louis XVI[1], ne sont pas simplement un allié sympathique, « un ami qui nous veut du bien ».
Nous serions trop petits et donc, trop faibles. Passons sur ce sophisme qui voudrait nous faire croire, si l’on s’en tenait à une donnée purement arithmétique et suivant sa propre logique, que 448,4 millions d’Européens qui seraient un bloc feraient le poids contre 1,4 milliards de Chinois, 1,4 milliards d’Indiens, ou même contre 333,3 millions d’Américains, unis derrière un drapeau et un rêve hégémonique, du reste partagé aussi bien par la « gauche » et par la « droite », par les héritiers des esclavagistes qui déchirèrent le pays dans la guerre civile à la fin du XIXème siècle, à savoir le parti démocrate, et ceux que les médias prétendument « progressistes » ne manquent pas de nous présenter comme étant de vilains fascistes suprématistes blancs, les Républicains. Mais peut-être que justement ici, dans l’amour du pays, le patriotisme, au-delà des couleurs partisanes – et des couleurs tout court – réside-t-il une partie de la solution… 
 
            Quels sont les véritables ressorts de la puissance ? Et celle-ci se borne-t-elle à une logique purement capitalistique, ou plus précisément néo-libérale ? En termes clairs, les enjeux ne résident-ils pas dans un cercle harmonieux et transversal entre puissance et souveraineté – sans évidemment marginaliser l’économie –, dont le dessein serait le règne de la Liberté ?
 
 
Ce n’est pas la taille qui compte…
 
Une fois n’est pas coutume, je vais me ranger à cette affirmation. Moins parce qu’elle m’arrangerait que parce que l’histoire a maintes fois démontré que l’argument de la taille avait une valeur tout à fait relative. J’adresse d’ores et déjà un message aux « sachants » post-modernes qui, à l’instar des animaux, vivent dans l’éternel présent, et à l’image d’eux-mêmes, sur l’assurance d’un avis appuyé sur une ignorance abyssale : celui qui n’a pas de passé n’a aucun avenir, rien ne naît de rien.
 
Les cités grecques de l’Antiquité n’étaient unies que par la culture grecque : elles partageaient une langue, une religion – aujourd’hui nous parlons de mythologie – et, pour certaines d’entre elles, des modèles politiques. Les écoles de philosophie, le théâtre et les jeux olympiques – une guerre « à blanc » – étaient d’autres points de convergence, voire de rassemblement, entre ces Cités-États rivales en guerres régulières. D’aucuns diront que ces petites cités – qui colonisèrent une part conséquente du bassin méditerranéen – s’unirent face à un géant : effectivement, et de manière provisoire, mues par la circonstance ! Les petites mais puissantes cités grecques, par trois fois, écrasèrent le gigantesque empire perse ! Par trois fois, l’immense empire d’Orient vint se fracasser contre la détermination, l’intelligence, la puissance de ces petites Cités-États ; à l’occasion des deux guerres médiques du Vème siècle avant Jésus-Christ, puis au siècle suivant, lorsque le roi de Macédoine, Alexandre le Grand, à la tête d’une coalition, défit et envahit le vaste empire achéménide.
 
Carthage, dans l’actuelle Tunisie, fondée par des Phéniciens, se tailla un empire bien plus vaste que son territoire et tint en respect, au IIIème siècle avant Jésus-Christ, avant de devoir définitivement s’y soumettre – et disparaître –, la puissance montante : Rome !
 
Rome est l’exemple le plus illustratif. Une cité au cœur de l’Italie fut l’État le plus puissant du monde et façonna un empire de 5 millions de kilomètres carrés : 40 provinces plus la péninsule italienne, réparties sur trois continents. Un empire puissant, stable, qui nous légua la philosophie des Grecs, des principes et des institutions politiques d’une intelligence rare, et solides, un socle de droit, une ingénierie civile et militaire de pointe. Non, Bruxelles n’est pas Rome, mais, à bien des égards, comme le comprirent aussi bien les rois de France que la Révolution française, notre pays est bel et bien l’héritier de Rome. Je ne développerai pas ici ces considérations, mais il est impératif de comprendre qu’un État petit par sa taille, mais puissant par ses compétences et sa force militaire, son commerce et la qualité de son instruction, fut un modèle imité jusque dans les provinces conquises, puis des siècles encore après sa disparition – et il le fut même pour les rois barbares. La seule puissance capable de rivaliser avec Rome, à leurs apogées respectives, fut la Chine des Han. Nous pourrions multiplier les exemples d’États petits par la taille et la population qui furent de très grandes puissances, telle l’Angleterre, qui mit à bas la superpuissance espagnole au XVIème siècle et s’imposa au XIXème jusqu’à la Chine, dont le premier empire date du IIIème siècle avant Jésus-Christ.
Mais voilà, ni la Chine ni l’Inde ne pratiquent la détestation d’elles-mêmes, et ces deux grands pays ne peuvent pas se vanter d’avoir léguer à l’humanité ni la démocratie, ni l’abolition de l’esclavage. Pourtant, voilà qu’on nous explique que l’Union européenne serait une nécessité vitale pour survivre face à ces Sociétés foncièrement inégalitaires où règne la misère du travailleur. Par ailleurs, nous vantant les prouesses économiques et la croissance folle de ces géants dits « émergeants » – ils ne sont pas émergeants, mais renaissants –, on nous explique que le prolétaire français ou italien, que le cadre moyen espagnol ou allemand, doivent encore faire des efforts. N’y voyez pas malice, nulle question pour la technocratie bruxelloise ou les grands patrons d’entreprises européennes qui délocalisent justement en Chine, en Inde ou au Pakistan, de chercher à nous imposer un modèle social et salarial analogue. Mais ne vous offusquez point, cela relèverait du « populisme » et de la « démagogie ». Avant-hier, au XVIIIème et au XIXème siècles, les réactionnaires expliquaient déjà que les démocrates et les républicains sociaux étaient des anarchistes.
 
 
 
La puissance véritable !
 
Avez-vous remarqué comme ceux qui nous abreuvent de mots clés vidés de leur substance ne définissent jamais les termes qu’ils emploient – sauf évidemment à les circonscrire à une réalité économique, comme si celle-ci n’était que la fille d’elle-même ? Revenons donc à la racine – au… radical – du mot « puissance ». En latin, c’est potestas, et voici que celui-ci mène à « pouvoir », « domination » – ici nous pouvons envisager des réalités politiques différentes, sur les plans intérieur et extérieur – ou encore à… « souveraineté » ! Voilà déjà une grossièreté de pouilleux dans l’esprit d’un européiste béat, si cette souveraineté est nationale, donc populaire – la Nation, c’est l’assemblée des citoyens, c’est le peuple souverain, et il en est ainsi depuis que la Révolution française l’a liée à la Patrie, un autre gros mot…
La domination est-elle celle d’un monarque qui s’exercerait sur ses sujets ? Celle d’un État conquérant sur un pays conquis ? La domination n’est-elle pas, du point de vue démocratique, celle du peuple sur son destin, exerçant sa souveraineté – il va véritablement nous falloir « mettre les pieds dans le plat » ?
 
Nous avons évoqué les empires, quintessence de la puissance dominante. L’empire est le fruit de l’imperium : le pouvoir, la puissance, qui se décline à la fois sur les versants civil et militaire. Un État puissant est d’abord un État doté d’une armée puissante ! Là, nous arrivons au couac posé dans les esprits faibles des européistes, endormis par 80 ans d’une paix heureuse certes, mais marquée par l’absence de son corolaire romain : Civis pacem para belum, « Si tu veux la paix, prépare la guerre »[2]. Oui, un État puissant est évidemment un État en capacité de mener une attaque armée, c’est-à-dire, si l’on ne s’inscrit pas dans une logique purement belliciste, en capacité de se défendre violemment – et les européistes étant majoritairement et à raison de mon point de vue favorables à l’Ukraine, ils ne peuvent oser prétendre le contraire. Les États européens ne sont pas faibles parce qu’ils ont des économies en berne ou sur le point de l’être, mais parce qu’ils n’ont pas d’armées en capacité de combattre n’importe quel « géant émergeant ». Si l’armée française est la plus puissante de l’Union européenne, rappelons que ces dernières années, les guerres qu’elle a menées au Sahel par exemple ne le furent pas contre des États organisés et… puissants !
 
            Un État-Nation – je vous prie d’excuser cette vulgarité – est puissant lorsqu’il est ferme dans l’application des principes[3] qu’il a érigé. Personne, ni à l’échelle de l’individu, ni à celle d’un État, ne respecte la faiblesse. La faiblesse est le paravent de la lâcheté. Il ne s’agit pas d’être uniquement dégoûté comme je le suis par ces deux tares, mais de comprendre que l’équilibre du monde et l’harmonie dans une société ne peuvent reposer sur une attitude obséquieuse, cela est rigoureusement impossible. Si la sagesse – c’est-à-dire la clairvoyance qui résulte de la Connaissance – est une colonne essentielle à l’érection de l’édifice, elle ne l’est guère plus que celle de la force. Elles sont aussi nécessaires l’une que l’autre, à égalité pour user d’un vocabulaire qui plaît à la gauche et qui irrite la droite, qui pourtant se comporte comme sa sinistre voisine. Blaise Pascal l’avait parfaitement analysé : « La force sans la justice est tyrannique. La justice sans force est contredite parce qu’il y a toujours des méchants. La force sans la justice est accusée. Il faut donc mettre ensemble la justice et la force, et pour cela faire que ce qui est juste soit fort ou que ce qui est fort soit juste[4]. » Nonobstant ces paroles avisées, depuis des décennies, les liens entre les nations d’Europe de l’Ouest sont une faiblesse revendiquée aux yeux du monde entier. A l’intolérable permissivité qui consacre les droits du délinquant et du criminel au détriment de la protection de la victime – dont les droits ne sont même plus théoriques, puisqu’elle est violée une seconde fois par les injonctions au silence –, ce qui est une posture immorale, nous avons laissé des bourgeoisies de robe, l’oligarchie « magistrale », opérer depuis Bruxelles la confiscation de la démocratie par cette notion sournoise d’État de droit[5]. Lorsque l’on constate les désarmements politiques, économiques, juridiques, qui sont engagés par la Commission et les Cours européennes, il est permis de se demander si elles ne sont pas vendues à des principes étrangers. Florence Bergeaud-Blackler a rigoureusement démontré, en dépit des campagnes de calomnies menées par des légions d’islamo-collaborationnistes notoires, comment les Frères musulmans avaient noyauté les institutions européennes[6]. On m’opposera, non tout à fait à tort, que ces phénomènes s’observent à l’échelle des gouvernements de chaque pays membre, ou de nos institutions respectives[7]. Gouvernements contraints de respecter les directives d’une commission qui n’a aucune légitimité démocratique, nous y reviendrons. 
            Les États européens ne sont pas faibles parce qu’ils sont petits[8] relativement à la Russie, à la Chine, aux Etats-Unis d’Amérique, mais parce qu’ils ont renoncé à être forts, parce qu’ils ont abandonné leur souveraineté. Il nous appartient de la reprendre, de l’arracher s’il le faut, pour recouvrer notre liberté et mener avec les autres pays d’Europe et du monde, amis, partenaires, alliés, concurrents, adversaires ou ennemis, les politiques que nous décidons.
Quand bien-même nous serions individuellement des nains, actons une fois pour toute qu’une coalition de nains ne fait pas un géant. Gulliver n’a aucune difficulté à tirer les navires des Blefusciens… Remarquez, ce n’est pas la première fois que l’on nous fait le coup de l’association des misères. Souvenez-vous de la fulgurance de François Hollande, « Président normal », imaginant en 2015 sur un coin de table un redécoupage des régions de France, et d’aucuns nous expliquant que pour les territoires concernés, une région pauvre plus une région pauvre donneraient naissance à une grande région riche[9]. Opérations menées sans consultation du peuple, convient-il de le rappeler, en balayant d’un revers de main les réalités locales et, Ô puritains, bouchez-vous le nez, de terroirs ! L’Europe des régions, voulues à… Bruxelles. 
La mièvrerie hugolienne des Etats-Unis d’Europe, qui fut également le rêve chimérique de Stefan Zweig, ne peut pas exister. Entre l’Empire romain et nous, il y a 1500 ans d’histoire durant lesquels se sont forgés et façonnés des territoires, des principautés, des royaumes ; 1500 ans d’histoires durant lesquels des États ont mené des politiques et organisé des modes d’administration qui ont influencé nos mœurs et cultures respectives – ou est-ce l’inverse ? Bien évidemment, la France fait partie intrinsèque de l’Europe, qui est un continent, une civilisation. Bien évidemment, nous partageons des pans de culture et un héritage, une histoire également, et souvent violente, avec les autres nations européennes. Bien évidemment, nous pouvons nous féliciter de projets comme Erasmus, ou encore de la possibilité offerte aux étudiants du continent de suivre sans – trop de – difficultés leur cursus dans les universités des pays membres. Mais comparativement aux directives néo-libérales qui mettent les agriculteurs à genoux, qui pèsent sur les salaires à la baisse, ou qui imposent le torchon abject, le hidjab, étendard de l’obscurantisme islamique, comme un instrument soi-disant d’émancipation, la plus-value est relative. Du reste, nous n’avons pas besoin de la prison européiste pour conserver ce que nous estimons salutaires – et j’aborderai la question de la paix ultérieurement.
 
Nos forces, à nous Français, sont précisément ce que l’Union européenne conspue. Qu’il s’agisse de notre culture littéraire ou de notre tradition de la satire, mères de notre impertinence, qu’il s’agisse de notre République autrefois radicale, de notre laïcité, nos forces donnent à la Liberté ses lettres de noblesse, liberté pour laquelle la France est encore un modèle, au sein de l’Union européiste comme à l’extérieur. Et je ne boude pas ici le plaisir de rappeler que l’étymologie de France est « libre ». Certes, je n’ignore pas que nous avons une administration excessivement lourde, une fiscalité oppressante dont on se demande, vue l’état de nos services publics, comment elle est utilisée. Certes, je n’ignore pas que nous avons une presse immonde, de Collaboration à L’Obscurantisme en passant par Fange Sphincter, qui, inondée des subsides de l’État, crache sur nos visages, nous insulte, nous extrême-droitise en permanence – tiens, nous avons un élément de réponse quant à l’utilisation de nos impôts –, le tout en déversant sur l’autel de l’édifice républicain en France le dégueulis relativiste et woke fabriqué aux USA et relayé par nombre d’universités. Pour autant, les capacités de résistance de la France, pour qui a voyagé ces derniers temps en Europe, sont considérables, l’affirmation de son identité – une énième vulgarité, à moins qu’elle ne fût « non genrée », « racisée » ou antisémite – palpable. Soulignons l’héritage de la France au bénéfice de l’humanité, par-delà les frontières : le goût de la philosophie, de la raison critique, héritée du logos des Grecs, une affirmation du Beau, de l’esthétique, de l’excellence, que la monarchie d’abord, la République ensuite, ont eu en leg de la Rome ancienne et de la Renaissance italienne ; l’esprit des Lumières et de la Révolution française, qui accoucha du combat pour la liberté, la laïcité, la république sociale. Et n’oublions pas que la France fut le premier pays à abolir l’esclavage, le 16 pluviôse an II (4 février 1794), tandis que des esclaves noirs continueraient encore longtemps à être castrés par leurs maîtres arabo-musulmans – mais Sainte Taubira aurait dit qu’il ne fallait pas trop en parler…
 
L’Union européenne est l’antithèse de la France. L’UE se limite à une organisation oligarcho-technocratique. L’essentiel de son pouvoir est exercé par une commission exécutive non-élue par les citoyens européens[10], responsable devant le parlement – lui élu au suffrage universel direct –, sur sa seule gestion ! D’ailleurs, vous relèverez que lorsque l’on parle de la « souveraineté européenne », on ne dit pas Strasbourg, où siège le parlement des peuples, mais Bruxelles, tour d’ivoire de la commission.
Tandis que les peuples européens, qui sont, sur toute la planète, les plus ouverts à l’idée de mixité sociale et de cosmopolitisme, exigent une réduction drastique de l’immigration, un contrôle strict des flux migratoires et l’expulsion de ceux qui n’ont rien à faire sur le continent – attention, je verse dans le bruit des bottes et le discours de l’estrem droate, bâillonnez-moi –, l’UE pousse le vice jusqu’à imposer un projet immigrationniste fou. Elle se moque que des populations – ultra majoritairement des hommes, jeunes – viennent de partie du monde où les combats que nous avons menés sont lointains et conspués, ou imposent des mœurs rétrogrades et des pratiques intégristes, voire fanatiques. Elle n’a que faire que cette immigration pèse à la baisse sur les salaires en Europe. Bien au contraire, cela alimente ses conceptions euro-libérales teintées de néo-christianisme bon teint. Je ne suis pas un « Français de souche », une part de ma famille a connu les années noires en Algérie, et j’affirme haut et fort qu’être Français ne se limite pas à la détention d’une carte d’identité. Romain Gary avait eu cette déclaration sublime : « Je n’ai pas une goutte de sang français mais la France coule dans mes veines ». Les Français – les Européens de manière générale – qui sont parmi les peuples où l’on embrasse le plus le « mariage mixte » ne sont ni racistes, ni xénophobes, ils exigent à raison que ceux qui sont accueillis ici embrassent nos mœurs, nos lois et n’importent pas celles venues d’ailleurs – et il est risible que ces dernières soient défendues précisément par ceux qui feignent de promouvoir, par exemple, l’égalité entre les sexes. Le communautarisme si cher à l’UE n’est pas simplement le contraire de l’universalisme – et du cosmopolitisme –, il est l’antichambre sociétale du capitalisme néo-libéral autant qu’il est le tribalisme, en termes clairs, la guerre de tous contre tous. Et gardons à l’esprit que le droit à la différence entraîne mécaniquement la différence des droits…
 
Sur toutes ces questions, il n’est pas rare d’entendre que même un gouvernement souverainiste, patriote, ou assimilé, ne pourrait agit car il se fracasserait le nez contre le mur d’un droit supranational, maastrichtien. Ceci doit nous amener à comprendre, à acter, à accepter que non-seulement la question centrale est celle de la souveraineté, mais aussi et surtout que celle-ci ne se partage pas ! La souveraineté est exercée par des citoyens, collectivement, donc à l’échelle de la Nation. C’est une conquête de la Révolution française, affirmée avec force par l’article 3 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen : « Le principe de toute Souveraineté réside essentiellement dans la nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément. » Relevons immédiatement qu’ « essentiellement » ne signifie pas « avant tout et parmi d’autres choses », mais « par nature », ou, pour reprendre le radical du mot, « par essence ». La Nation est l’espace naturel de l’exercice du pouvoir souverain, de la souveraineté, mère de la liberté ! 
Évidemment, on vous a fait peur, on vous fera peur encore. On a encore dégainé l’argument fallacieux de la paix. Il n’y a pas la paix parce qu’il y a l’Union européenne, il y a l’Union européenne parce qu’il y a la paix, et il y a la paix parce que la France est dotée de la bombe atomique. Aussi, même en matière de défense européenne, c’est le parapluie nucléaire de la France qui protège l’Union.
 
 
 
Vous avez dit souverainisme ?
 
Il est temps de conclure. Cessez de parler de « souverainisme », arrêtez de dire que vous êtes « souverainistes ». Non-seulement vous usez ainsi du champ lexical imposé par l’adversaire, et dans une perspective péjorative, mais en plus ces termes ne rendent pas l’ampleur de la véritable nature de notre combat. Nous ne promouvons pas le « souverainisme », nous combattons pour notre pouvoir souverain, nous ne sommes pas des « souverainistes », nous sommes des patriotes. Le patriote est celui qui se bat pour la Patrie, c’est-à-dire, dans l’esprit antique, pour « la terre de nos pères », entendre, celle des Hommes libres, et par ailleurs, depuis la Révolution française, la terre des Droits de l’Homme et du Citoyen. Pour Monstesquieu, l’amour de la Patrie signifiait « l’amour de l’égalité ». Le patriote protège la liberté et milite pour le pouvoir souverain de la Nation.
Un État puissant est un État souverain. Je plaide donc pour que nous soyons de nouveau un État-Nation libre de sa politique, maître de son destin, seul souverain. Je me dois d’insister, la souveraineté est le corollaire de la liberté, et réciproquement. Et c’est à la Nation de le rappeler à l’État. Voilà qui rappelle quelques fondamentaux qui conditionnent la réalité du pouvoir souverain, j’en ai traité quelques-uns, j’en ai laissé un autre de côté. Un État souverain est un État qui frappe monnaie, sa monnaie ! Depuis le passage à l’Euro, les menteurs, les malhonnêtes et les hypocrites ont feint d’ignorer deux choses :
1.    En nous expliquant que nos difficultés économiques n’étaient pas dues – uniquement – au passage à l’Euro sous prétexte que l’Allemagne ne connaissait pas nos travers, ils omettaient de signaler dans leur « analyse » que l’Euro avait été pour l’Allemagne un Bis Mark tandis qu’il était une monnaie trop forte pour l’économie et l’industrie françaises et surtout, que l’accord de Londres conclut en 1953 avait effacé plus de 62% de la dette allemande ;
 
2.    En nous regardant comme si nous étions des imbéciles, nous interrogeant sur les échanges commerciaux internationaux, oubliant au passage que nous payons sur les marchés internationaux en dollars ce qui doit l’être, ils écartaient avec désinvolture le but premier de la monnaie européenne, qui était alors l’Ecu, et qui devait avoir cours justement pour les échanges commerciaux sans priver les États membres de leurs propres monnaies. Il me semble du reste que cette position sage était celle de Jean-Pierre Chevènement, visionnaire sur toutes ces questions.
 
La Couronne danoise et le Franc suisse notamment nous rappellent que la vie en-dehors de l’Euro n’est pas les flammes de l’enfer. Évidemment, il faudrait ici développer les questions des politiques industrielles, des métiers d’arts, de la vitalité économique des territoires – qui ne peuvent faire l’économie justement de politiques culturelles, éducatives et de loisirs – ou encore les thématiques qui fâchent. J’ai un pied dans le monde associatif, du loisir éducatif, l’autre dans le micro-entreprenariat. J’éructe lorsque je constate les difficultés à obtenir, en France, et même plus largement en Europe, des partenariats et des marchés avec les entreprises, les prestataires de service. On ne vous rappelle pas, on fait traîner les réponses ou les prestations de service, les services après-ventes ne sont pas nécessairement à la hauteur de ce qu’ils devraient être. Aussi, nous devons comprendre, chacun à notre échelle, que nous avons des responsabilités, et que chacun doit prendre sa part s’il veut que le navire vogue. Chacun doit aussi comprendre que l’UE est une institution viciée de l’intérieur, irréformable, qui se rêve en Empire dont elle n’a pas les moyens d’assurer sa puissance. La crise irakienne avait déjà démontré que nous n’étions pas cohérents à 15, mais nous étions tout de même passés à 25 puis à 27 membres, sans pour autant devenir plus puissants. Bien au contraire, chaque élargissement nous a fragilisés, et l’on nous parle désormais de passer à 37 pays membres, sans d’ailleurs avoir retiré du jeu la Turquie de l’islamo-fasciste Erdogan, qui viole chaque jour un peu plus l’héritage de Mustafa Kemal.
 
La seule source de recouvrement de notre liberté est le Frexit ! Non, la France en-dehors de l’Union européenne ne serait pas un pays isolé, et même bien au contraire. Les relations diplomatiques ont existé avant l’UE. Nous sommes prisonniers d’un fantasme, celui du « couple franco-allemand », constatant impuissants que notre Allemagne désirée se jette tous les jours dans les draps de son amant américain. Évidemment, la France peut et doit tisser des liens serrés avec des pays partenaires et amis, avec lesquels elle a d’ailleurs des affinités plus mesurables. La France doit s’engager vers une confédération des pays latins : avec notre Nation-Sœur, l’Italie, l’Espagne et le Portugal, y intégrer probablement nos amis belges. Ce que j’appelle une confédération, ou des alliances scellées par traités, doivent s’interdire de s’immiscer dans les affaires internes des États ou encore de leur dicter leur politique étrangère. L’Allemagne doit rester un partenaire, au même titre que les Etats-Unis ou le Royaume-Unis, mais n’a pas vocation à nous dicter notre politique énergétique, ni à nous exhorter à fermer nos centrales nucléaires, ou nous empêcher de soutenir nos producteurs de lait ni encore moins à taxer fortement les produits chinois qui arrivent sur notre sol, taxes qui seraient investis comme il se doit, où il se doit.
Enfin, à ceux qui vous diraient, l’air malicieux, mais si la France sortait de l’UE, il n’y aurait plus d’UE, il vous suffirait de répondre : « Absolument ! ».
 
 


[1] Non moins par amour de la liberté que par revanche contre les Anglais.
[2] Notons que ce principe n’est pas propre à Rome. En 1615, dans son Buke Sho Hatto, le Shogun Tokugawa Ieyasu rappelait qu’en temps de paix civile, des troubles pouvaient toujours survenir et que l’entraînement militaire devait demeurer une préoccupation particulière des guerriers, devenus administrateurs de l’État.
[3] Princeps, « qui occupe la première place ».
[4] Blaise Pascal, Les Pensées, « Fragment 135 », voir l’article de Giuseppe Vizzini, Le rôle de la politique de Blaise Pascal dans la réflexion de Louis Marin, https://journals.openedition.org/dossiersgrihl/6924#:~:text=La%20force%20sans%20la%20justice,qui%20est%20fort%20soit%20juste. Également Robespierre, la terreur et la vertu.
[5] Je rappelle que la monarchie d’Ancien Régime, y compris sous l’absolutisme bourbonien, n’était pas un État sans droit…
[6] Florence Bergeaud-Blackler, Le frérisme et ses réseaux : L’Enquête, Editions Odile Jacob, 2023. Préface de Gilles Kepel.
[7] Thibault de Montbrial souligne justement les graves dérives du Conseil Constitutionnel.
[8] Il n’est pas simplement question de superficie évidemment.
[9] Notons que nos 22 régions n’étaient pas les plus petites d’Europe, et quand bien-même ? Cette obsession « progressiste » de la taille cache quelque-chose…
[10] Le traité de Rome (1957) décrète que “les membres de la Commission sont nommés d’un commun accord par les gouvernements des États membres”. Relevons une légère évolution avec le traité d’Amsterdam (1999) qui transforme le parlement en chambre d’enregistrement pour préserver des apparences de démocratie dite « représentative » : “Les gouvernements des États membres désignent d’un commun accord la personnalité qu’ils envisagent de nommer président de la Commission ; cette désignation est approuvée par le Parlement européen”. Les Citoyens français n’ont pas donné mandat au Chancelier allemand de décider pour eux, ni les citoyens italiens au Président de la République française.

Jean-Baptiste Chikhi-Budjeia

Jean-Baptiste Chikhi-Budjeia a grandi et vécu dans la banlieue Ouest d'Aix en Provence. Il est engagé dans des réseaux d'éducation populaire depuis une vingtaine d'années. Militant laïque, républicain radical, il réalise actuellement une thèse de Doctorat d'Histoire moderne sur la sociabilité politique pendant Révolution française. Il est également professeur de Karaté-Do et éducateur sportif professionnel.


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