19 Août 14, l’Empereur Auguste meurt durant le sixième mois de l’année, qui lui est consacré.

19 Août 14, l’Empereur Auguste meurt durant le sixième mois de l’année, qui lui est consacré.

Octave (Caius Octavius Thurinus) naît le 23 septembre 63 avant Jésus-Christ à Rome dans une famille attachée à l’oligarchie républicaine. Selon Suétone, le roi Servius Tullius avait élevé la famille Octovia au patriciat, mais sous la République, elle redevint plébéienne. Octave est également le neveu de celui qui, en cette année 63, est élu Pontifex Maximus (grand pontife), un certain Jules César ! Octave est orphelin de père à 4 ans. Les romans et le Cinéma en font un personnage cynique, voire détestable ; mais s’il ne peut séduire comme Antoine ou fasciné comme César, l’Histoire révèle un personnage d’une rare intelligence politique, celui qui de surcroît, s’appuyant bien sûr sur l’œuvre de son oncle, a rétabli la paix à Rome.

Tout jeune, il reçut les récompenses militaires à l’occasion du triomphe de Jules César sur l’Afrique (Suétone). Mais le jeune Octave n’avait pas pris part au combat. En revanche, il accompagna son oncle – qui avait de nouveau élevé la gens Octavia au rang des patriciens – lors de sa campagne militaire en Espagne.


Aux Ides de Mars 44 avant Jésus-Christ, le « dictateur démocrate » Jules César, qui n’a JAMAIS été empereur, est assassiné en pleine séance du sénat par des républicains qui le suspectent de vouloir rétablir la monarchie à Rome. Octave apprend par le testament de César que ce dernier l’avait adopté. Octave, petit-fils posthume du dictateur, est de facto son héritier. Cette situation doublée au désir de vengeance à l’endroit des césaricides, conduisent Octave à entretenir une relation ambivalente avec le bras droit de « son père », Marc-Antoine : rivalités et alliances de circonstances.


Ainsi, le 11 novembre 43, les deux hommes, rejoints par Marc Lépide, qui jouit alors d’un grand prestige, issu par ailleurs d’une illustre famille patricienne, scellent une alliance politique : c’est le second Triumvirat. Si l’objectif affiché est la réorganisation de la République romaine – qui dispose déjà d’un véritable empire territorial – et la poursuite des assassins de César, il est en réalité bien question de retirer tout pouvoir véritable au Sénat et d’organiser un partage de l’Empire entre ces trois « consuls de fait ». A Octave reviennent l’Italie et les provinces occidentales, donc le tumulte et le chaos ; Lépide obtient l’Afrique (du Nord) ; Antoine s’octroie l’Orient, dont l’Égypte, c’est-à-dire les ressources les plus riches et le grenier à blé de Rome. Cette alliance est fragile, chaque triumvir étant armé d’ambitions personnelles très fortes. Suite à sa campagne de Sicile contre le fils du « Grand Pompée », Octave parvient à évincer Lépide, mais cette éviction le place irrémédiablement dans un duel avec Marc-Antoine. Ce dernier est un général talentueux, un soldat courageux qui s’était par ailleurs illustré à Alésia sous les ordres de César. La victoire des triumvirs contre Brutus et Cassus à Philippes, en Macédoine, (-42), avait avant tout été le fait d’Antoine. Mais celui-ci, en Égypte, est tombé sous le charme de la reine Cléopâtre VII. Reine d’Égypte, mais d’ascendance grecque (elle est issue de la lignée de Ptolémée, compagnon d’Alexandre le Grand, qui avait reçu l’Égypte après le partage entre les Diadoques). Antoine, dans son testament, faisait notamment de ses enfants avec Cléopâtre ses héritiers. Il faut ici préciser qu’Antoine était légalement l’époux d’Octavie, la sœur d’Octave… Ce renoncement à la romanité permit à Octave de liguer Rome contre Antoine, et il obtint que son rival soit déclaré « ennemi public ». Voilà qui aboutit à la bataille navale d’Actium le 2 septembre 31 avant Jésus-Christ. Parmi ses fidèles, Octave dispose d’un soldat vaillant et fin stratège, le général Agrippa, à qui il doit une victoire éclatante. Antoine et Cléopâtre se réfugient à Alexandrie, tout espoir de renversement de situation serait vain. Cléopâtre, par une lettre, fait croire à Marc-Antoine qu’elle s’est suicidée. Le général se donne la mort. En réalité, la reine d’Égypte espérait négocier avec Octave, mais celui-ci se montrant insensible, elle se suicida à son tour.

La victoire d’Octave en fait le maître de Rome et de l’empire dominé par la République. Il y avait plus d’un siècle que l’État romain et son territoire étaient soumis aux guerres civiles. De surcroît, comme les généraux ambitieux qui l’avaient précédé, Octave avait conscience que l’on ne pouvait gouverner un empire comme on avait gouverné une ville. Il organise donc un partage apparent du pouvoir avec le Sénat. Moins brutal que César, profitant de la lassitude des guerres intestines, il est nommé Princeps, « le Premier », c’est-à-dire le premier des sénateurs – princeps, premier, donnera le mot « prince ». Octave, personnage qui se veut pieux et qui entend mener une politique de « bonnes mœurs » se voit octroyer le titre d’Auguste en 27 avant Jésus-Christ, titre revêtant un caractère sacré puisqu’il signifie « le vénérable », « le majestueux ».


Auguste,
comme il convient de l’appeler désormais, invente donc un nouveau régime politique, le Principat : il est le premier Empereur romain ! En créant « l’Empire romain » – non au sens territorial mais politique –, Auguste invente ce que nous appellerions aujourd’hui la « monarchie républicaine ». En effet, toutes les apparences de la monarchie sont préservées : on procède toujours comme il se doit à l’élection des magistratures – jusqu’aux Consuls, même s’il s’en arrogea le titre par la force l’année de ses 20 ans selon Suétone – mais le pouvoir, en réalité tous les pouvoirs, sont détenus par l’Empereur.


Tacite analyse la situation avec lucidité : « Quand il eut séduit […] tout le monde par les douceurs de la paix, il commença à s’élever par degrés […]. Nul le lui résistait […] ». Sans le dire mais dans les faits, Auguste venait de rétablir la royauté à Rome. Ce principe de « monarchie républicaine », cet Empire politique conservant les magistratures et le droit républicain, serait promis à la postérité. Non seulement le régime politique créé par Auguste, premier Empereur romain, durerait près de cinq siècles – si l’on ne prend pas en compte sa poursuite avec la partie orientale de l’Empire romain après 476 ap. JC – et inspirerait jusqu’à un général de la Révolution française, qui se ferait sacrer Empereur en 1804. Revenons-en à Auguste. L’organisation des provinces, antérieures à sa prise de pouvoir, est repensée : elles sont divisées en provinces dites « sénatoriales » et en provinces « impériales », ces dernières, soumises aux troubles ou frontalières, sont administrées directement par Auguste – par l’intermédiaire de ses légats. En revanche, le gouvernement de l’Égypte, qui a été annexée après le suicide de Cléopâtre, est confié à un préfet issu de l’ordre équestre . Précisons ici que contrairement à une idée largement répandue, Auguste ne s’est pas simplement contenté de maintenir les frontières de l’Empire. L’historien antiquisant Christophe Badel souligne même que Rome mène encore une politique agressive , même si, bien entendu, ses successeurs s’inscriraient dans une politique de « la stabilité », du moins jusqu’au règne de Claude. Nous avons déjà signalé l’annexion de l’Égypte, jusqu’alors « royaume client ». Suétone indique : « Il [Auguste] soumit, soit par lui-même, soit par ses lieutenants, le pays des Cantabres, l’Aquitaine, la Pannonie, la Dalmatie avec tout l’Illyricum, ainsi que la Rhétie, les Vindéliciens et les Salasses, peuplades des Alpes. » A cela s’ajoutent la répression sanglante des incursions daces et le rejet des Germains. Nonobstant, en Germanie justement, trois légions furent massacrées – celles de Varus.

Auguste obtint des succès diplomatiques importants, obtenant notamment des Parthes la rétrocession de l’Arménie et des enseignes du triumvir Crassus . À Rome même, il mena de grandes réformes : c’est lui qui institua dans les amphithéâtres un placement soucieux de l’ordre social ; il épura politiquement le Sénat, lequel avait été « grossi » après l’assassinat de César ; Auguste semble avoir fait preuve d’indulgence en matière de justice, lui qui avait pu se montrer impitoyable et cruel envers les prisonniers césaricides. Mais surtout, il est à l’origine de grands travaux publics dans la capitale de l’Empire. Parmi ses proches conseillers, un certain… Mécène. Sous le règne d’Auguste, la ville de Rome change de visage.


« La beauté de Rome ne répondait pas à la majesté de l’empire et la ville se trouvait exposée aux inondations et aux incendies : Auguste l’embellit à tel point qu’il put se vanter à bon droit ‘’de la laisser en marbre, après l’avoir reçue en briques’’. »


Ses successeurs poursuivraient cette politique, offrant à la ville « maîtresse du monde » des monuments exceptionnellement imposants – le Colisée sous Vespasien, inauguré par son fils, la Colonne Trajane, célébrant la victoire de l’Empereur Trajan,

Son mariage avec Livie lui avait donné une descendance, mais il relégua sa fille et ses deux fils moururent avant lui. Aussi, ayant adopté le fils de Livie, un militaire, Tibère, vraisemblablement à son retour de Rhodes en 4 après Jésus-Christ, son héritier était désigné. Quatre ans plus tard, le vieil Empereur dont Suétone nous dit qu’il conserva sa beauté et sa grâce toute sa vie, fut gratifié par le Sénat d’un nouvel honneur : Sextilis, le sixième mois de l’année, prit son nom – « août » en français, « August » en anglais.

Tantôt clément et s’illustrant par des libéralités, tantôt cruel et implacable, perçu comme courageux au champ d’honneur ou désertant le champ de bataille, Auguste fut toujours considéré par les Romains comme un « bon empereur », c’est-à-dire un homme vertueux ayant le sens de l’État, ne braquant pas la notabilité sénatoriale ni la dignitas des aristocrates. Il meurt le 19 août 14 après Jésus-Christ, à presque 77 ans, fort d’un règne exceptionnellement long, laissant à ses successeurs un régime politique stable et puissant et livrant à la postérité la Rome de marbre, celle de l’Empire et des Empereurs.


Jean-Baptiste Chikhi-Budjeia

Jean-Baptiste Chikhi-Budjeia a grandi et vécu dans la banlieue Ouest d'Aix en Provence. Il est engagé dans des réseaux d'éducation populaire depuis une vingtaine d'années. Militant laïque, républicain radical, il réalise actuellement une thèse de Doctorat d'Histoire moderne sur la sociabilité politique pendant Révolution française. Il est également professeur de Karaté-Do et éducateur sportif professionnel.


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